Pour une ex-gestionnaire de communautés complètement accro à son téléphone, quitter META ne sera pas une mince tâche. Bien qu’à chaque année je prenne des pauses des différentes plateformes de plusieurs semaines à plusieurs mois, cela ne se comparera pas, je crois. Me déconnecter pour de bon de Facebook et d’Instagram, fermer et effacer mes comptes, me fait peur. Pourtant, un côté de moi accueille à bras ouverts cette page blanche, cette délivrance, d’autant plus que je crois foncièrement que cet acte soit nécessaire, politiquement.
Depuis quelques semaines, je tiens un petit journal ici, pour raconter comment ça se passe pour moi, en toute transparence. La première semaine, j’abordais les raisons de mon départ imminent. Dans le deuxième article, j’expliquais ce qui allait me manquer de ces plateformes qui ont déjà su être si rassembleuses. Pour le troisième article, j’essayais de penser l’après-META et ce que ça voudra dire pour moi, pour nous.
Cette semaine, je réfléchis aux questionnements qui me sont venus depuis que j’ai effectivement quitté META.
De la difficulté de couper complètement le cordon
J’ai désactivé et supprimé mes réseaux sociaux avant la date prévue, simplement parce que j’en avais l’élan et que je n’en pouvais plus de me voir scroller à l’infini. Comme plusieurs tentatives de sevrage, celui-ci a donc été précédé d’un binge, d’un gavage, question de bien me dégoûter de la chose. Et attention, je ne dis pas que c’est la meilleure manière de procéder, juste que ça a été la mienne, un peu par hasard.
Bref, en cours de suppression, je me suis pris des bâtons dans les roues, disons : par exemple, j’ai appris que ne pouvais pas supprimer Facebook et garder Messenger, même temporairement. J’ai donc désactivé mon compte Facebook au lieu de le supprimer pour pouvoir garder Messenger, le temps qu’une crise au niveau personnel (qui nécessitait beaucoup de gestion avec de nombreuses personnes) ne se résorbe. J’avais un FOMO1 bien particulier : celui que l’on peine à me rejoindre.
Pourtant, quand j’analyse ceci, je sais bien qu’il est relativement facile pour mes proches de me joindre. Ielles peuvent m’appeler et me texter de manière conventionnelle, ielles savent où me trouver (même si j’habite dans un trou, telle une hobbit). D’où me vient cette difficulté à couper le cordon complètement ? Aie-je peur qu’on m’oublie ? Et même, est-ce que ce serait SI pire que ça, de me faire oublier un peu ?
Se défaire du réflexe de scroller
Dans mon élan de retrait de META, j’ai aussi désactivé mes comptes sur d’autres plateformes, comme Bluesky et LinkedIn. Bluesky parce que j’y étais constamment bombardée des mauvaises nouvelles mondiales et que le réflexe de faire défiler mon fil était trop présent à mon goût. LinkedIn parce que je suis dégoûtée de ce que le site est devenu : un giga bassin d’auto-promotion avec des statuts à rallonges tous rédigées selon la même formule pré-faite ridicule.
Malgré tout, et j’ai honte de l’admettre, j’ai dû m’imposer un temps quotidien limité pour Pinterest et Youtube. Ça m’enrage d’avoir ce réflexe de traîner mon cellulaire partout pour… pour quoi en fait ? Me stimuler la dopamine avec des apps colorées qui me bombardent d’images que j’oublierai aussitôt que mes rétines se poseront sur autre chose ? Pavlov se régalerait en étudiant nos cerveaux en constante attente de notifications. Si je n’arrive pas à me gérer moi-même (grâce, entre autres, à l’appli Minimalist Phone), j’envisage de passer au bon vieux flip phone sous peu.
Le FOMO de la « vraie vie »
Hier soir, je coloriais tranquillement en buvant une tisane. Face à moi, mon conjoint classait ses cartes Magic. Nous écoutions de la musique classique et nous jasions de choses et d’autres. La veille, nous avions disputé un match de Scrabble en vérifiant nos mots dans un bon vieux dictionnaire papier, devant un feu de foyer. Et je me suis rendu compte qu’en fait, c’était à côté de cette vie-là que j’avais le plus peur de passer. Celle où je suis à 100% présente quand on me parle, celle où je cultive des hobbies pour le simple plaisir de le faire.
Quand vous allez dans un café ou un restaurant, prenez la peine d’observer les gens autour de vous : combien de couples (de tous les âges) mangent ensemble sans se parler, sans se regarder, leurs yeux rivés sur leurs écrans ? combien de jeunes enfants sont laissé·es à elleux-mêmes sans autre stimulation que celle d’une tablette ? combien de groupes d’ami·es n’interagissent que pour se pointer des trucs sur leurs téléphones ?
Récemment, dans un café adjacent à une école secondaire, mon conjoint et moi sommes tombés sur un très gros groupe d’élèves qui prenaient leur pause dîner dans la salle lumineuse du café au lieu d’à la cafétéria de leur polyvalente. Et ielles mangeaient dans un silence de mort, chacun·e sur leur appareil. Je me rappelle des midis bruyants à mon école secondaire, de mes ami·es et moi qui parlions beaucoup et faisions les 400 coups et je me demande, simplement, où est passée la vie, la vivacité ?
“Fear Of Missing Out” en anglais, soit « la peur de rater quelque chose ».
ah, ça fait plaisir ! Moi aussi, je suis en train de quitte définitivement instagram, plus que quelques jours, j'ai hâte ! La vraie vie est tellement belle !