Quitter META : ce qui va me manquer.
Journal d'une désintox' pas comme les autres, partie 2.
Pour une ex-gestionnaire de communautés complètement accro à son téléphone, quitter META ne sera pas une mince tâche. Bien qu’à chaque année je prenne des pauses des différentes plateformes de plusieurs semaines à plusieurs mois, cela ne se comparera pas, je crois. Me déconnecter pour de bon de Facebook et d’Instagram, fermer et effacer mes comptes, me fait peur. Pourtant, un côté de moi accueille à bras ouverts cette page blanche, cette délivrance, d’autant plus que je crois foncièrement que cet acte soit nécessaire, politiquement.
Dans les prochaines semaines, je tiendrai un petit journal ici, pour raconter comment ça se passe pour moi, en toute transparence. La semaine dernière, j’abordais les raisons de mon départ imminent. Dans ce deuxième article, j’expliquerai ce qui va me manquer de ces plateformes qui ont déjà su être si rassembleuses.
Côté professionnel
On va se le dire, des études universitaires en littérature, ça a des débouchés limités, quand on ne souhaite pas devenir prof. Avec la création de contenu, j’ai trouvé quelque chose pour lequel j’ai naturellement de la facilité : j’adore écrire, je suis bilingue, et je suis pas pire bonne pour créer de belles photos originales et des visuels équilibrés qui savent se démarquer. Être gestionnaire de communautés me permettait de mettre à profit ces talents, d’une manière que je trouvais assez gratifiante. Souvent, cela me permettait également de travailler de la maison, un gros plus pour l’ermite que je suis.
Avec l’avènement de META et Meta Business, cependant, mon plaisir à créer était gâché par les algorithmes sans cesse changeants, et les bugs multiples que rencontraient ces plateformes. Au lieu de faire un travail créatif, je me retrouvais, la majeure partie du temps, à jongler avec des problèmes et des erreurs du système, et ce, tout en devant « putifier » mon contenu pour que l’algo tout puissant daigne le montrer à son public cible. C’était une immense source de frustrations parmi mes pairs et moi.
“Meta isn’t going to slow down these changes—it’s your job to keep up. This isn’t a time for panic; it’s a time for action.”1
Le travail de communications s’est tellement tourné vers les réseaux sociaux dans la dernière décennie (et plus), qu’il est difficile d’envisager comment s’en sortir sans. Que faisions-nous avant les comptes professionnels sur Facebook, Instagram, TiKToK et autres… ? Et surtout, est-ce que les communications étaient vraiment plus inefficaces ? Ce que je remarque, avec les technologies, c’est qu’on nous enfonce leurs supposées facilité et efficacité dans la gorge, mais la multiplication des plateformes et les règles du jeu toujours changeantes ne me semblent ni faciles, ni efficaces.
Oui; en refusant des contrats de gestion de réseaux sociaux « classiques », je me tire peut-être dans le pied. En ayant comme projet de lancer ma friperie nomade sans page Facebook ni compte Instagram, je ne me facilite certes pas la tâche. Mais je pense que de toutes manières, on commence à en avoir fait le tour, niveau professionnel. Que ces réseaux sociaux sont saturés de pubs et de publications qui manquent pour la plupart cruellement d’originalité et qui, donc, ne retiennent plus notre attention. Nous sommes du·es pour dépasser cette paresse et faire preuve d’inventivité, et je ne peux m’empêcher de penser à toutes sortes de manières de développer l’après-META. Déformation professionnelle.
Côté personnel
Dans la dernière semaine, j’ai traversé une épreuve personnelle, et de pouvoir communiquer rapidement avec ma famille et mes proches via les group chats de Messenger a été vraiment pratique. Je vais peut-être même prolonger ma présence Messenger un peu, le temps que cette crise soit passée. On s’adapte. On s’ajuste. J’apprends à être plus conciliante et souple envers moi-même.
Bref, l’une des choses qui me manquera, au niveau perso, en quittant Instagram et Facebook, c’est cette impression de connexion avec les autres. Notez bien que je dis « impression de ». Car ce que je remarque aussi, avec le médium écrit, c’est que vu le manque d’intonations, il est parfois si aisé de tomber dans un dédale de malentendus qui serait pratiquement impossible via téléphone ou en personne.
Il est également facile de faire preuve de laisser-aller face à nos relations : s’envoyer des .gifs remplace l’acte de prendre des nouvelles de l’autre, de véritablement prendre le temps d’entretenir une conversation. La majorité de mes communications amicales des dernières années peuvent se résumer à quelques reels échangés, que j’oublie la seconde même après les avoir visualisés, et qui ne m’ont rien appris sur l’être aimé·e. Ce genre de fast food de la relation humaine s’est accéléré durant la pandémie, où, pour notre propre santé mentale, nous devions nous distraire à tout pris. Mais comment ressouder des liens déliés par la dictature de la distraction ?
“La grande question est là : comment ne pas se laisser distraire? Nos sociétés sont devenues des machines à distraction. Tout est en place pour que l’oubli l’emporte sur tout le reste. Vous vous levez à peine qu’on vous distrait déjà. Nous savons tous qu’il faut vivre autrement. Nous passons notre vie à désirer vivre autrement. Nous passons notre temps à combattre le temps.”2
Je m’ennuierai bien sûr quand même des personnes que j’ai rencontrées en ligne et avec qui j’entretiens des relations d’amitié virtuelles qui me sont tout de même précieuses. Des gens géniaux qui n’auraient peut-être jamais croisé mon chemin sans la puissance des algorithmes. Mais l’on devrait avoir le droit de conserver ces liens importants… sans encourager des milliardaires fascistes et sans marcher sur nos valeurs. Car je ne suis pas du type à hiérarchiser mes amitiés : les contacts précieux que je me suis faits dans mes dernières années de présence en ligne comptent au même titre que mes ami·es en chair et en os. Ce sera à nous d’innover pour faire perdurer ce que nous chérissons. De retourner à l’essence même de ce que signifie « amitié » et « communiquer. »
Dans mon prochain article, j’expliquerai ce que je compte faire pour pallier à mon absence de META, à court, moyen et long terme.
Source : Multipost Digital, décembre 2024
Source : Revue Relations, éditorial « La Distraction », Marc Chabot, août 2006
J’admire beaucoup ta démarche, un mouvement qui prend de plus en plus d’ampleur. J’ai quitté Facebook depuis plusieurs années et ça ne me manque pas du tout! Par contre, j’ai plus de difficultés à quitter Instagram en tant qu’artiste visuel mais j’y pense de plus en plus. Bien hâte de lire la suite de tes réflexions.
Excellente amorce de désamorçage. J’aimerais savoir ce que tu comptes faire pour conserver ce qui doit l’être de l’immense fichier virtuel de FB et Insta.
Quels moyens envisages-tu pour conserver photos, contacts, liens, etc. Histoire de conserver le meilleur en se débarrassant du pire…
Pour ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain… (ta métaphore favorite… HÉ! HÉ!). J’en suis là, moi aussi…, je réfléchis et… ne sais trop comment procéder…
Ceci dit, je me demande si cette réflexion doit se faire en douceur, mais comment procéder alors? Ce diachylon doit-il être retiré graduellement ou alors d’un seul coup?
Comme une fille qui se fait les jambe à la cire pour la première fois et qui le regrette… tirer doucement pour souffrir le moins possible fait souffrir plus longtemps…mais permet de réfléchir et surtout! de ne pas y revenir. Quitter sans honte (facile!), mais surtout! sans regret… LÀ est la question! Un coup à la fois, essai-erreur-retrait, un pas en avant, deux en arrière, par ici la sortie! On va y arriver. Des trucs ici quelqu’un pour y parvenir?