J’en ai déjà parlé ici mais je fais partie de ces wokes auto-diagnostiqué·es (parce que notre système de santé tient avec du duct tape pis des prières, à se demander pourquoi on continue de payer des impôts pis des taxes, mais ça, c’t’une autre histoire) : je suis certaine d’être sur le spectre de l’autisme, et les gens qui me connaissent bien en sont zéro surpris.
Cette réalisation de ma part est plutôt récente, premièrement parce que quand j’étais plus jeune, l’autisme était méconnu (et l’idée que l’on s’en faisait était extrêmement clichée et limitative), deuxièmement parce que je suis une as du masking, et, finalement, parce que pendant plusieurs années, dès que j’ai été (semi) en âge de boire de l’alcool, je palliais à ma phobie sociale et à mes autres « traits atypiques » en buvant.
L’alcool est un désinhibiteur bien connu : il délie la langue, nous rend moins timide et nous permet de faire des choses que nous n’oserions pas faire à jeun. Combien de fois avez-vous entendu quelqu’un dire qu’iel avait besoin d’un (ou trois) verres dans le nez pour danser ou chanter au karaoké ? Dans mon cas, je n’ai (heureusement ou malheureusement, c’est selon) jamais eu besoin de consommer pour chanter ou danser. L’alcool en petite quantité me permettait plutôt de relaxer juste assez pour endurer les décibels plus forts, les odeurs agressantes (genre, les gens qui mangeaient du Amir avant d’aller danser à la Rockette), les contacts physiques accidentels avec des inconnu·es et pour socialiser comme une personne neurotypique. En apparence.
Parce qu’en réalité, dès le lendemain matin (et ce, même si j’avais bu très raisonnablement), j’angoissais au sujet de LA MOINDRE PHRASE que j’avais prononcée la veille, j’obsédais à propos de menus détails et j’avais peur que tout le monde me déteste. J’étais ÉPUISÉE, drainée, ça me prenait énormément de temps pour m’en remettre et pour recouvrer l’énergie dépensée la veille. Je ne comprenais ABSOLUMENT PAS pourquoi il en était ainsi pour moi alors que mes proches ne semblaient pas avoir ce problème et étaient prêts à socialiser à nouveau dès le lendemain.
En fait, c’est simple : dans mon cas, boire de l’alcool agissait comme un plaster sur une plaie à vif pis pas désinfectée. Ça cache le bobo aux autres et à soi un moment, mais le lendemain, la plaie s’est infectée et fait encore plus mal. Je fuckais le baromètre de mon énergie en pensant le déjouer à coups de rhum’n’coke, mais la réalité me rattrapait toujours dans le détour.
Je suis familière depuis peu avec le phénomène de burn out autistique, et quand j’ai lu sur ce phénomène pour la première fois, ça a été une RÉVÉLATION pour moi :
« L'épuisement autistique est un syndrome conceptualisé comme résultant d'un stress chronique de la vie et d'une inadéquation des attentes et des capacités sans soutien adéquat. Elle se caractérise par un épuisement généralisé à long terme (généralement 3 mois et plus), une réduction ou une perte des fonctions exécutives et une tolérance réduite au stimuli.»*
Je me rappelle de longues périodes de ma vie où, en plus d’être extrêmement fatiguée, j’avais encore MOINS de tolérance pour les sons, la lumière forte, certaines textures de nourriture ou de tissus. Je me poussais à rester « fonctionnelle », jusqu’à tomber en dépression et mettre plusieurs mois à me relever. Ces phases sont toujours déclenchées par des sources de stress auxquelles je ne sais pas faire face, parce que personne ne m’a jamais appris comment faire pour ne pas me rendre « jusque là ». C’est horrible de se sentir impuissant·e, lâche et incompris·e, en plus d’avoir l’impression qu’on est un·e extraterrestre.
Je suis sobre depuis maintenant six ans et, si parfois je me demande encore ce qui m’a pris de volontairement vouloir affronter le monde à jeun, je sais qu’il s’agissait de la bonne décision pour moi. Dans les dernières années, j’ai dû réapprendre mes limites et m’éduquer sur des manières plus simples d’atténuer ma phobie sociale, ma misophonie et autres traits funky de ma personnalité neuroatypique :
Je trimballe toujours des bouchons d’oreilles et des verres fumés avec ma prescription sur moi;
J’ai appris à refuser des invitations dans des événements où je sais que je serai mal à l’aise et inconfortable;
Je prends des pauses quand je suis avec de grands groupes de gens, pour m’isoler dans un endroit tranquille et décompresser, et, si nécessaire, je quitte avant l’heure;
J’essaie de ne plus avoir honte quand je commence à avoir un tic en public et de ne plus essayer de le cacher ou d’arrêter (c’est compensatoire, donc, ça m’aide, ne vous en déplaise);
Je m’entoure de gens qui m’acceptent comme je suis, sans jugement ni pression.
J’ai encore beaucoup de choses à apprendre, et ce qui fonctionne pour moi ne fonctionnera peut-être pas pour quelqu’un vivant pourtant avec le même « diagnostic ». Mais si tu as des trucs à partager, n’hésite pas à le faire en commentaires !
Je vous invite également, si le sujet vous intéresse, à suivre la toujours pertinente Maude Nepveu-Villeneuve sur son compte Instagram Ensauvagement, où elle parle ouvertement et sans tabou de TSA et autres neurodivergences.
Aon! Merci! 🧡 Et je me reconnais vraiment dans ton expérience avec l’alcool!
Oh my Gawd, tu viens de me décrire !!! Je n'étais pas au courant non plus de Burnout autistique !!