Puisqu'il faut vieillir
...c'est bientôt ma fête et vous n'aurez pas droit à des perles de sagesse.
C’est mon anniversaire de naissance la semaine prochaine, et je vais avoir 36 ans. Quel âge plate, pareil, pas de quoi festoyer ben-ben, à part le fait que bravo, je suis encore vivante, en relative santé, que je suis entourée d’amour et que je ne me fais pas trop chier.
Comme à chaque année, quelques semaines avant ma fête, mes feeds de réseaux sociaux persos sont pollués de publicités ciblées pour des chirurgies esthétiques mineures, des gaines de soutien et des crèmes anti-âge. Quand on est une femme, dès l’enfance, on est mises devant l’injonction à la beauté comme devant un fait accompli : c’est ce à quoi nous devons aspirer, d’abord et avant tout. Et ça doit aller de soi.
Être belle > être intellectuelle
Être belle > être en bonne santé
Être belle > être sportive
Et quand je dis « être belle », c’est selon certains standards bien définis par l’époque et il faut suivre ces modes aliénantes qui ne passent pas seulement par les vêtements ou le style capillaire. Quand j’étais ado, « être belle » voulait dire être maigre, bronzée, avec un cul plat et de gros seins. Maintenant, « être belle » veut dire « avoir l’air d’une Kardashian » : gros cul (mais lisse, sans peau d’orange), lèvres pulpeuses bien glossées et taille mince.
Mais bon, ce n’est même pas ce dont je souhaitais parler aujourd’hui, je m’emporte comme un·e vulgaire chroniqueur·se du Journal de Montréal.
Malgré ma baby face, j’ai mes propres inquiétudes, de celles dont il n’est pas considéré glamour de parler : de petits stress liés à ma santé. Mes problèmes de digestion de plus en plus fréquents, mes intolérances alimentaires multipliées, mes douleurs aux articulations causées par de l’inflammation, et, cette semaine, je me suis fait ré-enlever une tache louche sur le bras gauche. Il faut surveiller cet épiderme de lait écrémé, le scruter à la loupe et en extraire tout ce qui pourrait potentiellement me rendre malade ou pire.
Je vais avoir 36 ans et j’ai l’impression d’en avoir plus que le double. Pourquoi on ne nous prévient pas, plus jeunes, que le corps décrépit aussi tôt ? Quoique, loin de me faire profiter plus de la vie « dans l’temps », j’aurais probablement seulement paranoïé, en bonne hypocondriaque que je suis.
Je trouve ça plate, vieillir, mais pas pour les raisons que l’on pourrait penser. Pas pour les ridules d’expression au coin des yeux, pas pour les livres en trop ou la cellulite, pas pour la peau qui commence à manquer de fermeté. Je déteste vieillir parce que j’ai l’impression d’être un vieux char avec le voyant « check engine » toujours allumé.
J’ai l’impression que depuis mes trente ans, mon déplacement de vertèbres, la pandémie et les ennuis qui suivirent, je devrais vivre emballée dans du papier bulle « d’un coup que ». Et ça affecte tous les aspects de ma vie. Mon corps est parfois un frein à mon travail, dans mes relations amoureuses et amicales, dans mes loisirs…
Sauf que j’ai décidé d’arrêter de lui en vouloir et d’apprendre à l’écouter. À respecter ses limites. À vivre au diapason de ce corps capricieux, certes, mais fait fort en maudit et capable d’une résilience inouïe. Ça ne me sert à rien de ruminer du noir en souhaitant que mon enveloppe corporelle soit plus ci ou moins ça, c’est le seul corps que j’ai et que j’aurai et je dois apprendre à en prendre soin, arrêter d’alterner entre la haine et l’ignorance, arrêter d’éviter les miroirs ou de me regarder nue en ayant peur de trop l’haïr, de trop m’haïr.
36 ans, c’est vraiment long avant d’apprendre à s’aimer, mais c’est mieux que rien, je présume.
Excellent billet! 36 ans la semaine prochaine également 🙋♀️. Les mêmes pubs ciblées de marde, le même check engine allumé (et autres bruits bizarres quand je roule- mais je monte le son) et une fatigue éternelle. Bonne fête en avance ! Je me souhaiterai (en soufflant mes 36 bougies sur mon gâteau sans gluten) d'accepter de baisser la musique pour écouter les bruits discordants et de lever le pied.
J’ai appris à m’apprécier à rebours… Je m’explique. En revoyant des photos de moi enfant, où je me rappelle avoir honni mes dents du haut, mes palettes trop écartées, je me souviens m’être avoué à moi-même que : « Voyons donc! C’était juste cute pas si pire. ». Vanessa Paradis en a fait par la suite son brand name avec succès, non? Kossé qui va pas avec moi? . Je me souviens, aux lendemains de mes grossesses, m’être trouvée « molle », « adipeuse », « overweight »… En regardant des photos de moi avec mes enfants (je n’avais pas 30 ans), je me dis maintenant : « Où ça le « trop de graisse?!?!? » Un m’ment donné… Je me suis regardée dans le blanc des yeux et je me suis invectivée : « Coudonc MOI, là! Faudra-t-il me voir morte, centenaire et ridée comme une momie pour qu’enfin je m’autorise à m’accepter sans auto-critique destructrice? ». En conclusion? On n’est jamais si dure envers les autres qu’envers soi-même. Et si on s’aimait? Telle quelle, sans jugement, sans faux-fuyant. Avant que de mourir et pourrir, ce serait pas si pire la vie, non?