Il n’y a que les fous qui ne changent pas d’idée. J’ai beau être complètement folle, j’ai quand même changé d’idée. Plusieurs fois.
Quand j’étais jeune adulte, je n’attendais qu’une seule chose : quitter la banlieue pour Montréal. Pour moi, la « grand’ville » était synonyme d’effervescence : culturelle, culinaire, festive. C’était l’âge où je sortais dans les bars (aux Foufs et au Saphyr, principalement) et où je maudissais le fait de devoir rentrer en métro trop tôt ou d’être forcée de me fier à un·e conducteur·rice désigné·e. C’était aussi l’époque où je collaborais à une émission de radio à CHOQ, pour laquelle j’assistais à une multitude de spectacles, mon caractère introverti naturel endormi par des rhum’n’coke enfilés à la chaîne.
Je ne me reconnaissais pas dans les gens qui habitaient Laval. Dans ma tête, c’étaient tous·tes des fans de Jersey Shore hyper-bronzé·es qui allaient au gym et sortaient au Mumba ou au Pink (il n’y a rien de mal à ça : c’était juste vraiment pas mon genre). Mes ami·es qui comptaient rester en banlieue rêvaient tous·tes de fonder une famille. Moi, je rêvais de liberté sous forme d’appartement aux planchers qui craquent.
J’ai pu réaliser mon rêve de devenir Montréalaise à environ vingt ans, en partageant un appartement de Côte-des-Neiges avec deux amis. Puis, je me suis promenée, passant par divers quartiers et colocations. J’ai également habité seule sur le Plateau, pour terminer en partageant le condo de mon ex dans Centre-Sud (j’ai d’ailleurs écrit un livre sur le sujet). Et si, oui, je pouvais maintenant sortir et rentrer tard, je ne me sentais pas bien, pas « sur mon X » comme je m’y attendais.
Il m’arrive par exemple de repenser à une époque précise, où j’avais un emploi comme assistante-gérante d’un grand magasin de cosmétiques et où j’habitais le Plateau. J’aurais dû être heureuse : j’avais un emploi génial et bien rémunéré, des collègues attachant·es, un logement petit, certes, mais douillet et super bien situé. Et pourtant ! J’étais anxieuse, éparpillée, stressée. Je tombais malade sans cesse, collectionnant les bronchites pour terminer alitée avec une pneumonie. J’avais beaucoup « d’ami·es » et une vie sociale active… mais ces supposé·es « ami·es » se sont pour la plupart évaporé·es dès que j’ai eu besoin d’aide. Pourtant, je n’ai pas touché le fond et la fin de mon expérience montréalaise tout de suite. Il m’a fallu attendre une séparation pour devoir me résoudre à rentrer chez mes parents, en banlieue.
Je pensais prendre quelques mois pour rebondir et retomber sur mes pattes, pour ensuite me réinstaller le plus rapidement possible de l’autre côté du pont. Mais j’ai découvert quelque chose : un coup le choc de la rupture encaissé, j’ai réalisé que je me sentais beaucoup mieux à Sainte-Rose, Laval, qu’à Montréal. Le rythme plus lent, mes sens moins agressés, la proximité de la rivière, tout ça faisait que j’étais pas mal moins anxieuse. J’ai donc décidé, lorsqu’est venu le temps pour moi de voler à nouveau de mes propres ailes, de me prendre un appartement à Sainte-Rose… chose qui était pourtant INCONCEVABLE pour moi quelques années auparavant. Je suis restée dans ce logement trois ans : j’en pars cette semaine.
Dans les dernières années, je me suis souvent aventurée du côté des Laurentides, chose que je n’avais pas vraiment faite avant. J’ai passé beaucoup de temps à Val-David, où je rêvais d’emménager, parce que les gens qui y habitent ont un mode de vie alternatif qui me ressemble, qu’ils sont tous un peu hippie, et parce que le village est situé en pleine nature, entouré de monts et montagnes et bordé de conifères. Puis, j’ai découvert les villages des alentours quand mes parents ont déménagé à Piedmont. Avec mon partenaire, nous avons décidé, le jour même de notre éviction, de jeter notre dévolu sur le village de Sainte-Adèle. On s’y voyait. Un peu moins baba-cool-patchouli que Val-David, mais aussi accueillant, on y retrouve une multitude de petits commerces, et surtout, une foule de sentiers de plein air.
Mon souhait, pour les prochains mois, est d’encore ralentir mon rythme de vie. De prendre le temps. Dès que je mets les pieds à Montréal, je me sens comme forcée de marcher rapidement, d’avoir l’air d’avoir un objectif « important », et surtout, je remarque que j’atténue ma personnalité et mes couleurs dès que je suis en ville. Comme si j’enfilais une tenue de camouflage citadine. Alors que quand je vais dans les Laurentides, mon visage s’ouvre, les gens me parlent spontanément, et je me sens respirer plus profondément.
Et c’est ce que je me souhaite.
Respirer plus profondément.
Vivre plus lentement.
NOTE : Comme nous déménageons le 2 mars, il n’y aura pas d’article de blogue la fin de semaine prochaine. La prochaine fois que je vous écrirai, ce sera en direct de mon nouveau nid !
J'ai grandi à Ste-Rose ! Pour nous dans les années 80 ça semblait être presque que la campagne. On pouvait encore jouer dans le "champs" enfant, et ado, faire des feux sur le bord de la rivière en prenant nos premières brosses.
Bon déménagement!