Mon homonyme, Ariane Brosseau (allô !) écrivait en 2019 un texte sur les raisons pour lesquelles elle ne voyage pas, texte qui a été beaucoup lu et qui lui a permis de parler à La Presse à ce sujet en 2023. Pas que je sois une maudite copieuse, mais je me rappelle m’être tellement reconnue dans ses propos. Avec l’été qui arrive, je me fais souvent demander « ce que j’ai de prévu », et cette question sous-entend, plus souvent qu’autrement, quelle destination j’ai dans ma mire. Quand je dis que je prévois profiter de mon nouvel appartement et de ses alentours idylliques, les gens pensent peut-être à un manque de fonds. Mais la réalité est plus complexe, et j’avais envie d’en parler (moi aussi).
L’empreinte écologique
C’est certain que sur mon podium de raisons pour lesquelles je ne voyage pas se retrouvent mes valeurs écologiques. Saviez-vous que si les êtres humains ne voulaient pas dépasser les limites planétaires, il faudrait se limiter à UN SEUL voyage en avion longue distance par huit ans, et, idéalement, une fois dans une vie ? Ma fois à moi, je l’ai vécue à 16 ans, lors d’un voyage scolaire en France et en Espagne. Et je sais pertinemment que la culpabilité que je ressentirais à prendre l’avion souvent l’emporterait sur ma joie de voyager et de découvrir de nouveaux endroits.
L’anxiété
Bon, avec le temps, vous l’avez probablement remarqué : je suis une créature à haut rendement anxieux. L’idée même d’organiser un voyage dans les moindres détails me fait hyperventiler (et pourtant, on sait que j’adore les listes). C’est qu’il y a tant d’impondérables et d’imprévus qu’il est impossible de ranger dans de petites cases, proprement, dans un carnet ! Certain·es y trouvent un certain charme, mais je peux vous dire que je vois mal le romantisme de rester pogner dans un aéroport pendant 8 heures, de faire perdre ma valise, d’attraper des punaises de lit ou de pogner la tourista.
Le repos
Je suis une créature de confort, et j’ai le sommeil léger. Une vraie princesse au petit pois ! Dans un environnement inconnu, je dors systématiquement mal. Mon corps reste en état d’alerte à essayer d’apprivoiser tous les sons inconnus et à sursauter à la moindre anomalie. Dans ma tête, des vacances et des congés, c’est fait pour se reposer, et je ne vois vraiment rien d’apaisant à cumuler les chambres d’hôtels et les AirBNB. Faire et défaire e mes valises, découvrir de nouveaux lieux de vie que je n’habiterai que 2-3 jours sans avoir le temps de m’y habituer avant de devoir repartir et recommencer le procédé. PERSONNE ne pourra me convaincre qu’il vaut mieux relaxer sur une plage à des milliers de kilomètres de la maison, quand je peux juste m’ouvrir un bon roman, allongée paresseusement dans un hamac dans ma cour.
Le manque de poésie de la mondialisation
Oui, c’est certain, les voyages ont peut-être déjà formé la jeunesse. Mais là, j’ai l’impression que partout où j’irais, je pourrais trouver des McDos, des H&M pis des ados en train de filmer des danses TiKToK. Okay, c’est peut-être réducteur. Je sais qu’il y a des musées, des lieux empreints d’histoire et de culture, mais est-ce que je profiterais vraiment du Louvre, par exemple, avec des dizaines de téléphones intelligents dressés devant la Joconde ? J’en doute. Je me connais. Je ne vivrais pas un moment transcendant, juste de l’agacement.
La protection des lieux de tourisme
Macron voulait fermer les bouquineries qui longent la Seine pour accueillir les jeux olympiques à Paris. Des tonnes de déchets et d’excréments humains recouvrent l’Everest depuis que trop d’humains en font l’ascension. Les touristes ne respectent pas les sentiers balisés des parc nationaux et abîment ainsi la flore et portent atteinte à la faune, en plus de se mettre en danger dans le but de prendre les meilleurs selfies. Les pays d’Europe en ont marre des touristes qui saccagent les plages, vident leurs épiceries et font pulluler les Air BNB, et les graffitis anti-touristes se multiplient. Je pourrais continuer à donner des exemples pendant très longtemps, mais bref, je ne veux pas faire partie du problème.
Les séjours courts
Ceci dit, il m’arrive d’apprécier de courts séjours ici et là. Notamment, j’aime aller à Québec ou à Ottawa avec ma mère, pour faire les bouquineries et les friperies. Et j’aimerais peut-être dans un futur proche faire la tournée des belles bibliothèques de Toronto avec mon partenaire (wild, je sais). J’ai précédemment vécu de superbes voyages de famille dans les Maritimes ou au Massachusetts, mais, justement, nous y allions plusieurs années d’affilée, et les lieux avaient le temps de devenir familiers (surtout, toute la charge mentale de l’organisation reposait sur quelqu’un d’autre que moi).
L’art d’être bien chez soi
Je sais que beaucoup de gens cherchent à fuir l’hiver et à laisser derrière leurs problèmes et la routine. Le truc, c’est que j’adore l’hiver, et que même la dernière tempête de neige de ce début avril, je la trouvais superbe. J’ai aussi appris, avec le temps, que nos problèmes nous suivent peu importe où l’on va. Et, personnellement, je suis quelqu’un qui s’épanouit dans la routine; celle-ci me rassure, m’apporte du réconfort et m’apaise. Je mets aussi beaucoup de soin à rendre mes milieux de vie confortables, accueillants (pour moi) et douillets. J’ai ENVIE de rester chez moi. Pourquoi je voudrais dépenser mes sous durement gagnés pour aller m’épivarder ailleurs quand je suis chez moi comme dans un nid méticuleusement conçu à mon goût, avec lequel aucune chambre d’hôtel ou chalet ne peut rivaliser ? Mes bibliothèques sont ici, mes calepins, mes crayons, ma cafetière, mon chat… pourquoi je voudrais aller voir ailleurs ?
L’absence de jugement d’autrui
Ceci étant dit, je ne suis absolument pas dans le jugement des gens qui aiment voyager. C’est une question de préférences personnelles et je sais que je tangue du côté des êtres psycho-rigides. Je comprends que certaines personnes adorent découvrir de nouveaux endroits, créer des souvenirs avec leurs enfants et je comprends surtout que ce n’est (heureusement) pas tout le monde qui est aussi anxieux que moi. Par contre, je m’attends au même respect. Je déteste me faire dévisager quand je mentionne ne pas aimer voyager et ne pas avoir beaucoup voyagé, comme si cela faisait de moi un être de qualité inférieure ou une inculte.
J'aurais pu écrire le même texte. Merci d'en parler, je trouve ça important !
«Mes bibliothèques sont ici, mes calepins, mes crayons, ma cafetière, mon chat… pourquoi je voudrais aller voir ailleurs ?» - Excellent point, que je partage avec toi d'ailleurs :)