Être écolo, mais névrosée
... où je vis un déchirement très peu existentiel entre mes divers idéaux.
Êtes-vous déjà tombé·e dans le vortex du #CleanTok, ces gens sur TikTok qui nettoient leurs lieux de vie de façon INTENSE ? C’est étrangement satisfaisant tout en étant complètement aliénant, mais je vis quand même mes fantasmes à travers eux, parce que, soyons francs, personne dans la vraie vie n’a de temps pour ça.
Moi, j’observe plutôt le petit marécage douteux de couleur beige-brunâtre qui s’est formé sur le dessus de mon cake à vaisselle, cette sorte de savon à vaisselle solide sagement rangé dans un pot Mason qui coûte plus d’une vingtaine de dollars, si on n’a pas le temps ou l’énergie de le faire nous-mêmes. Mon cerveau ne peut concevoir que quelque chose qui a l’air sale puisse nettoyer. L’odeur piquante de moisissure de la brosse à vaisselle se rend ensuite à mon nez : entièrement noircie, elle pendouille lamentablement au crochet près du lavabo. Je suis choquée. J’ai payé ce cossin relativement cher pour ce que c’est, en pensant encore une fois BIEN FAIRE : entièrement compostable, cette brosse ne laisse pas de micro-plastiques ou de particules d’éponge sur notre précieuse vaisselle en poterie qui ne va pas à la machine. Mais DIANTRE, de toute évidence, elle a décidé de débuter son processus de décomposition deux semaines après mon achat, alors je la sacre dans la poubelle sans ménagement.
Ces petits fragments ordinaires de mon quotidien s’accumulent ces temps-ci. Des genres de poussées de ras-le-bol doublées d’une écoeurantite aiguë. Depuis que je suis en appartement, je fais de mon mieux pour adopter des pratiques qui génèrent moins de déchets et qui libèrent moins de produits chimiques dans l’atmosphère ou dans les eaux usées. Déjà en 2010, je travaillais dans l’une des premières boutiques de vrac du Plateau Mont-Royal et je changeais mes protections menstruelles jetables pour du lavable, chose qui ne se faisait pas vraiment à l’époque, ou, du moins, qui était tabou. Encore aujourd’hui, je rince à grande eau mes protège-dessous avant de les mettre à la machine, avec mes mouchoirs et mon papier de toilette réutilisables et force concentré à lessive bio acheté en vrac.
Un côté de moi ne se voit pas faire autrement et voudrait même en faire plus, surtout au niveau de l’alimentation. Mais l’autre côté de moi (visualisez-moi comme une sorte de Mini Wheat, le côté sans sucre étant mon côté grano, le côté sucré ma moitié brainwashée par le marketing) en a plein son casque de redoubler d’efforts et de se contenter de l’à peu près propre pendant que des milliardaires font la totalité de leurs déplacements en jets privés et en yachts.
On parle peu de la charge mentale qui vient avec les tâches quotidiennes quand on tente EN PLUS d’être le moindrement écolo. Sans parler des frais additionnels : je n’ai jamais compris pourquoi il me coûtait PLUS cher de faire le remplissage de mes bouteilles de produits de nettoyage alors que je fournis moi-même les contenants.
Là, ne venez pas penser que c’est crotté chez moi : QUE NENNI. Après tout, je suis (en plus) du signe astrologique de la Vierge, autrement dit, je suis névrosée quand il s’agit de la propreté. C’est juste que je me casse le bécyk’ à essayer d’atteindre mes idéaux d’aseptisation avec des produits assez doux pour se laver les rétines avec (ou presque). Je suis comme dans les limbes du nettoyage : condamnée à errer à la recherche de produits qui n’existent pas, dans des lieux qui ne sont pas à la hauteur de mes idéaux de propreté.
Des fois, je rêve de me rendre au Canadian Tire (spécifiquement celui de Mont-Tremblant, qui est IMMENSE en plus d’être maniaquement bien classé) et de faire le plein de produits de nettoyage standards à haute efficacité et de laver l’entièreté de mon appartement avec des vaporisateurs et des liquides qui me brûlent le poil des narines. Mais je vais continuer de torcher avec des produits non-testés sur les animaux, qui ne me provoquent pas de crises d’asthme, et de vivre par procuration, à travers l’écran de mon téléphone, grâce aux gens qui lavent leurs logements sur TiKToK comme si y’avait pas de lendemain.
Je fais pareil. Parfois je me sens complètement ridicule, et pourtant j'aurais bien de la difficulté à faire autrement.