J’ai plusieurs cordes à mon arc. En fait, j’ai tellement de cordes à mon arc, que c’est rendu une harpe, sauf que je ne sais pas comment l’accorder correctement et encore moins comment en jouer.
Jusqu’à récemment, je pensais que ma manie de creuser plusieurs champs d’intérêt différents sans réelle perspective d’emploi était une tare chez moi. C’est en visionnant l’un des épisodes de l’excellente série documentaire Pastel Fluo, sur Tou.tv, que j’ai réalisé que ça n’était peut-être pas le cas : que ma manière de voir mes propres talents était teintée par (et oui) le capitalisme (encore et toujours). Comme si nous n’avions plus le droit de nous aventurer dans plusieurs champs d’expertise juste pour acquérir des compétences pour le plaisir, juste pour apprendre, sans nécessairement avoir envie de monétiser le tout.
Dans le cinquième épisode de la première saison de Pastel Fluo, on suit un couple qui s’est installé dans un écovillage de l’état de New York. Après avoir eu des carrières « standards », axées sur la performance, Frédéric Laloux et Hélène Gérin ont décidé d’explorer ce qu’ielles aimaient vraiment faire : pour lui, c’était d’écrire et de créer du contenu web en lien avec les modèles organisationnels émergents, et pour elle, cela a pris plusieurs formes. Elle touche entre autres à la poterie, elle devient doula, et elle écrit aussi. Hélène parle de son cheminement (et je paraphrase) en disant qu’elle a adopté un mode plus exploratoire : elle suit simplement ses envies du moment et elle se fait confiance.
Je me suis dit que c’est pas mal comme ça que j’avais toujours fonctionné. Un de mes dictons préférés est « Bouge, tu n’es pas un arbre », et je l’applique aussitôt qu’un emploi, un lieu, une relation m’apporte plus de malheur que de bonheur. C’est pourquoi, quand on suit mon c.v., il ne semble avoir ni queue ni tête. Passer de rédactrice marketing à vendeuse de cosmétiques bio, ou de gestionnaire de contenu à libraire ? Pourquoi pas !
Bien sûr, je reconnais que cela prend une bonne dose de privilèges afin de pouvoir vivre et même survivre de cette manière, au gré de ses envies. Ça comporte une bonne dose de risques. En ce moment même, en toute transparence, je n’ai pas d’emploi depuis deux mois, et je commence à stresser un brin, vue la conjoncture économique.
Je me demande si je n’ai pas tout faux en ce qui concerne ma quête instinctive d’un travail. S’il est bel et bien essentiel de gagner un revenu, ce n’est pas tout le monde qui s’épanouit dans un travail en lien avec sa ou ses passion(s). Pour certaines personnes, mieux vaut un travail routinier sans stress ni pression qui permet un état d’esprit calme pour pouvoir vaquer à ses passes-temps préférés ou pratiquer son art dans ses plages de temps libres. Il faut juste savoir reconnaître quel type de personne on est, et également assumer que cela peut changer avec le temps ou avec l’expérience.
Je suis à l’âge où nous sommes peut-être la première génération à avoir fait rimer « travail » avec « passion », et parfois, je me demande quand même si c’est vraiment pour le mieux. Si notre manière de butiner d’un emploi à l’autre est réellement plus saine d’esprit que la façon de faire de nos prédécesseurs, qui occupaient souvent le même poste au sein de la même compagnie toute leur vie, jusqu’à la retraite.
Alors j’essaie de me questionner sur ce qui est important pour moi en ce moment. Je répondrais que je priorise de passer le plus de temps possible chez moi, de travailler de la maison. C’est ici que je me sens bien et que je suis capable de me concentrer. Il m’est aussi primordial d’avoir un emploi en lien avec ce qui me passionne : les mots, la culture, ou bien la mode seconde main et les cosmétiques naturels. Je me connais, je ne resterai pas motivée longtemps si je dois travailler sur un sujet sur lequel je n’ai pas envie d’apprendre constamment. Il ne faut pas que je perde de vue non plus mon envie d’avoir de longues plages de temps libres où je peux lire, visionner des films et des documentaires, sans avoir l’impression que mon cerveau est trop saturé pour absorber quoique ce soit d’autre. Il ne me reste qu’à trouver ce qui sera ma voie… pour le moment.
Parenthèse : ça me fait un peu penser à l’époque où je ne croyais pas pouvoir être en couple longtemps avec la même personne, et où ma mère me disait que c’était parce que je n’avais juste pas trouvé « ma personne ». Je DÉTESTAIS qu’elle me dise ça (désolée, maman)… mais elle avait finalement raison. Peut-être qu’il en va de même avec le travail. Peut-être que je n’ai juste pas trouvé LA formule gagnante pour moi et que quand ce sera fait, je n’aurai plus envie de butiner les métiers ? Qui sait.